Antonio VIRGA & Vincent PARREIRA
« FAIRE VIVRE UNE ÉMOTION GRÂCE À L’ARCHITECTURE »
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« FAIRE VIVRE UNE ÉMOTION GRÂCE À L’ARCHITECTURE »
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Antonio VIRGA – Dirigeant d’Antonio Virga Architecte
Architecte
Vincent PARREIRA – Dirigeant d’AAV Architecture
Architecte
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Propos recueillis par Olivier WACHÉ
O-W.L’un et l’autre avez chacun votre agence, mais vous partagez des projets communs. Quand et comment cette collaboration a-t-elle débuté ?
V-P.Autour des années 2000. Antonio avait déjà son agence, moi je rentrais du Brésil après quelques années passées là-bas et je venais de monter ma société. Antonio cherchait quelqu’un pour faire de la maitrise d’œuvre d’exécution et grâce à lui, j’ai appris la complétude de mon métier : passer de la conception à l’exécution. En même temps, je l’aidais à se développer sur d’autres projets, à monter des dossiers… Puis j’ai remporté un projet et lui ai donc dit que j’allais m’en aller. Il m’a proposé de rester sur les opérations que nous avions amorcées ensemble, ce qui est caractéristique de sa générosité. Nous nous sommes lancés et cela dure jusqu’à ce jour… Notre règle est de faire ensemble, à partir du moment où il y a eu une amorce commune, mais avec nos singularités, nos particularités.
O-W.Comment travaillez-vous ensemble ?
V-P.Avec respect et écoute. L’idée qui semble la plus pertinente l’emporte. Il s’agit de construire une histoire à deux, même si elle est ensuite portée par l’un ou par l’autre. On échange, on rebondit sur l’idée de l’autre, on l’étoffe. Nos visions ne sont pas opposées, elles sont complémentaires. Le travail d’Antonio ne ressemble pas au mien dans sa complétude. Nous sommes une association de penseurs, de poètes. Il existe entre nous une idéologie, un côté humain qui nous interpelle. Nous bâtissons des projets qui nous ressemblent, nous sommes des architectes contextuels. Nous avons chacun notre structure et nos équipes, mais nous mettons en commun des personnes qui travaillent sur nos projets, et qui sont installées dans l’une ou l’autre agence.
O-W.Vous travaillez actuellement sur deux projets pour le Groupe Galia. Comment cela a-t-il débuté ?
V-P.Nous connaissions Baptiste Cochard avant qu’il devienne directeur général du Groupe Galia et c’est par son intermédiaire que nous sommes entrés en contact avec Brice Errera. Ce dernier réfléchissait alors à une collaboration avec de nouveaux architectes. Il y a eu une belle rencontre et un attachement assez rapide entre nous. Brice a cette générosité, cette écoute, il porte un regard juste sur les choses. L’échelle familiale de l’entreprise, ni patriarcale ni hiérarchique, est une grande qualité, et l’investissement de chacun est réel. On se sent autorisé à transformer un projet pour qu’il s’améliore.
O-W.Comment envisagez-vous de votre côté la collaboration ?
A-V.Un projet se crée toujours à deux, mais nous ne sommes jamais fermés à le faire évoluer. Les bons projets sont ceux qui se font en bonne intelligence avec le client, quand on rebondit sur une idée, qu’on accepte d’en changer… Le Groupe Galia a un côté humain dans sa relation à l’autre, client ou architecte, qui fait que les rapports sont différents.
O-W.Parlez-nous du projet Pantin Hôtel…
V-P.Nous avons présenté une étude de faisabilité à la ville de Pantin au sujet d’un parking, à démolir totalement ou partiellement. Reconvertir ce parking en projet hôtelier était une volonté du Groupe Galia. La ville de Pantin aimait cette transformation du bâti, c’est un sujet très en vogue aujourd’hui, mais il l’était moins à l’époque, il y a 4 ou 5 ans. Nous avons proposé de conserver le bâtiment qui prend son emprise sur l’intégralité du site, mais d’en rogner une partie sur rue pour lui donner une nouvelle façade, qui évoque celle d’origine, assez brutaliste. Nous avons aussi supprimé d’autres éléments pour créer un jardin de pleine terre.
O-W.Bertrand Kern, le maire de Pantin, voit justement dans l’architecture « une solution pour assurer un lien entre les concitoyens, maintenir une mixité sociale, attirer les entreprises et réunir les différents quartiers de la ville ». Partagez-vous cette vision ?
A-V.Reconvertir un garage est un projet fort, qui parle à beaucoup de monde : c’est rendre une façade active, cela fait revivre le lieu, le quartier… Au-delà de la qualité architecturale du projet, l’intérêt est de dire qu’on ne démolit pas pour reconstruire, mais qu’on s’interroge sur l’usage d’un lieu inutilisé, qu’on lui donne une nouvelle destination. Quand nous imaginons un bâtiment avec Vincent, nous pensons dès le départ aux autres usages auxquels il peut être destiné… A Pantin, il existe une véritable dynamique, avec de nombreux exemples de reconversion, de sociétés qui s’installent…
V-P.Pantin fait en effet partie de ces villes qui ont un train d’avance, comme Saint-Ouen ou Saint-Denis… Elle intéresse des structures culturelles et économiques fortes, comme Hermès. C’est un territoire accessible, même s’il est coincé entre deux nationales, avec des quartiers populaires mais aussi une nouvelle population qui arrive sans déloger pour autant ceux qui y vivent. Cette réflexion autour de la mixité de l’humanité nous intéresse, c’est aussi de l’architecture et cela concerne tout le monde.
O-W.En ce qui concerne le projet Blum, peut-on parler de l’histoire d’une transformation ?
V-P.Absolument. C’est un bâtiment en pierre de taille sur rue avec un cœur d’îlot assez hétéroclite, qui offre le charme du faubourg du 11ème arrondissement. L’objectif de Galia est d’offrir du logement de qualité pour des catégories sociales variées, avec des dispositifs plutôt artisanaux en pied d’immeuble et dans la cour, calqués sur le contexte et la mémoire du lieu. Nous créons un porche qui est le jumeau de celui par lequel on accède à l’immeuble, dans un esprit de continuité. Nous installons un jardin minéral selon les souhaits de la ville et des architectes des bâtiments de France. Une maison de ville prend place en fond de parcelle. Nous créons des balcons à tous les niveaux. Toutes ces surfaces extérieures en abondance sont importantes, elles vont donner une autre vie et une dynamique, une interaction. Elles vont permettre aux rencontres de se dérouler…
O-W.L’architecture, c’est aussi interroger la place de l’humain ?
A-V.Oui, au-delà de la qualité architecturale qu’on offre aux utilisateurs, l’attention doit toujours être portée sur l’usage du lieu. Parfois, nous imaginons quelque chose mais quand les gens s’approprient l’espace, nous sommes surpris et c’est finalement le plus intéressant. L’humain prime, plus que la lumière, les matériaux, la qualité des espaces, les proportions… Le but, c’est aussi que le bâtiment devienne un bien collectif, qu’il fasse partie d’une ville, qu’il devienne un point de repère…
O-W.Se pose aussi la question de la façon de concevoir, de la sobriété du bâti…
A-V.J’aime cette question. Nous avons avec Vincent des écarts millimétriques sur le sujet, mais l’un comme l’autre visons la pérennité. Si on arrive à dépasser un peu le langage courant, à utiliser un vocabulaire qui a une certaine permanence et qui soit reconnaissable, alors on atteint une forme d’aboutissement.
O-W.Écoles, logements, funérarium, bureaux, centre commercial… Si les domaines sont variés, peut-on parler d’une vision onirique ou poétique pour résumer votre travail ?
V-P.Tout à fait. Ce qui m’intéresse, c’est l’émotion. C’est ce que je veux vivre avec mes équipes, mes clients, avec Antonio. Même si elles ne sont pas les mêmes, ce n’est pas grave, ce qui prime, c’est d’en ressentir et d’en donner. C’est cela l’architecture : c’est sortir d’un lieu et se dire « Wow », comme après un film. Mon souhait est que l’architecture puisse permettre d’arriver à ce résultat.